Cellules souches et recherche sur l’embryon

Capables de réparer ou remplacer des tissus endommagés, les cellules souches ouvrent la voie à une médecine régénératrice prometteuse, à la fabrication de médicaments innovants et à l’élaboration de thérapeutiques nouvelles. Néanmoins, elles soulèvent de nombreuses questions éthiques, notamment parce qu’elles supposent parfois de travailler sur des embryons.
Les cellules souches embryonnaires sont les cellules issues des premières divisions de l’œuf fécondé (zygote). Elles présentent deux caractéristiques très intéressantes pour la recherche : elles peuvent être multipliées de façon illimitée et elles sont pluripotentes, c’est-à-dire capables de se différencier en cellules spécialisées correspondant aux différents tissus de l’organisme.

Les cellules souches adultes intéressent beaucoup les chercheurs : présentes dans tous les tissus du corps ou presque, à l’exclusion des tissus germinaux (qui donnent naissance aux cellules sexuelles), elles sont capables de remplacer les cellules déficientes ou disparues des organes où elles se trouvent. Elles présentent également des avantages, notamment une tolérance immunitaire (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas rejetées par le système immunitaire) et un moindre risque de cancer en cas de greffe autologue (le patient reçoit ses propres cellules, à la différence d’une greffe allogénique où les cellules proviennent d’autrui). Elles sont également dotées d’une grande stabilité chromosomique. La recherche tend à leur reconnaître un potentiel thérapeutique plus grand qu’on ne le pensait à l’origine, notamment avec les cellules iPS

Cadre juridique

Les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines sont encadrées par le code de la santé publique (1).

Le droit de mener des recherches sur l’embryon humain a évolué au cours du temps. D’abord la recherche a été formellement interdite (1994), puis interdite avec dérogations sous conditions (2004 et 2011) avant d’être autorisée sous conditions en 2013. Aujourd’hui, aucune recherche sur l’embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans une autorisation de l’Agence de la biomédecine, à plusieurs conditions :

1. La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
2. La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale ;
3. Le projet de recherche ne pourrait être mené sans recourir à des embryons ou des cellules souches embryonnaires ;
4. Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

En cas de non-respect de ces conditions, l’Agence de la biomédecine peut suspendre ou retirer son autorisation. Au 31 décembre 2017, on dénombrait en France 90 protocoles de recherche autorisés, dont 19 sur l’embryon; 36 recherches étaient achevées et 51 renouvellements de recherche autorisés (2).

La recherche sur l’embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires humaines est conduite à partir de lignées de cellules souches embryonnaires disponibles ou à partir d’embryons surnuméraires issus d’une assistance médicale à la procréation (AMP) ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Le couple dont sont issus ces embryons a donné son accord pour ces recherches.

Pour que des recherches soient menées sur le plan scientifique, sans gestation, il faut que le couple dont est issu l’embryon ait donné son accord.

Comme beaucoup d’autres domaines de recherche, se pose la question de l’application industrielle de ces recherches. Pourrait-on breveter une invention avec ces cellules embryonnaires ? La réponse aujourd’hui est non. L’autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine est donnée sur demande uniquement à des fins de recherche et non de développement industriel. En outre, le droit européen stipule que toute invention qui utiliserait des embryons et impliquerait leur destruction ne peut être brevetable (3).

La question du clonage

Il existe deux sortes de clonage : le clonage reproductif et le clonage thérapeutique. Dans les deux cas, la technique est la même : elle consiste à insérer dans un ovocyte (cellule sexuelle femelle) dont le noyau a été retiré un nouveau noyau issu d’une cellule adulte prélevée sur une personne et à déclencher artificiellement le développement de l’embryon.

– Si l’embryon ainsi obtenu est transféré dans l’utérus d’une femme, le clonage est dit reproductif. En laissant se développer cet embryon, on obtient théoriquement le double génétique du donneur ayant fourni le noyau de la cellule. Dans la grande majorité des pays, ce clonage est interdit chez l’humain. En France, il est considéré comme un crime contre l’espèce humaine. Actuellement, seuls des clones animaux ont été obtenus, le plus célèbre étant la brebis Dolly, clonée en Angleterre en 1998.

– Si des cellules souches embryonnaires sont extraites de cet embryon pour apporter un traitement à la personne qui a fourni initialement le noyau de la cellule, le clonage est dit thérapeutique. En France, le clonage à visée thérapeutique est interdit et sanctionné.

Les embryons transgéniques ou chimériques

La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. On entend par embryons transgéniques des embryons dans le génome desquels une ou plusieurs séquences d’ADN n’appartenant pas à l’embryon lui-même ont été ajoutées ou supprimées. Il y a alors modification du patrimoine génétique de l’embryon, puisque l’ADN de celui-ci a été modifié. Les chimères sont des organismes contenant des cellules d’origine différente, mais sans mélange des matériels génétiques.

D’une manière générale, l’article 16-4 du code civil consacre l’interdiction de toute atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine et de toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes ainsi que de la transformation des caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne.

A l’étranger

Les législations en vigueur à l’étranger peuvent être classées en 4 catégories :

1) Législation permissive (Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Singapour, États-Unis.) : l’utilisation de la majorité des techniques est permise concernant la recherche sur l’embryon, à l’exception du clonage reproductif.

2) Législation permissive avec restriction (Pays-Bas, Canada, Brésil) : les recherches sur l’embryon et les lignées de cellules souches embryonnaires humaines sont permises, ainsi que la différenciation en de nouvelles lignées à partir d’embryons surnuméraires. En revanche, la technique de clonage thérapeutique et la création d’embryons pour la recherche sont interdites.

3) Législation restrictive (Allemagne, Italie) : les recherches sur l’embryon (donc différenciation en des lignées de cellules souches embryonnaires) sont interdites, mais pas les recherches utilisant des lignées importées de l’étranger.

4) Législation d’interdiction (Pologne, Irlande, Russie) : l’ensemble des recherches est interdit (recherches sur l’embryon, dérivation de lignées de cellules souches embryonnaires, recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, même importées).

Les greffes de cellules souches hématopoïétiques issues du cordon ombilical

Le sang contenu dans le cordon ombilical renferme un grand nombre de cellules souches, qui présentent de nombreux avantages :

• leur prélèvement est sans douleur;

• elles sont disponibles immédiatement et de manière infinie (à condition d’être conservées dans une bio-banque), ce qui permet de réduire le délai d’attente des greffes;

• elles ont plus de potentiel et sont plus faciles à localiser que les cellules souches adultes;

• elles sont plus assimilables par l’organisme et provoquent moins de rejet;

• elles présentent un risque très faible de contamination par des agents infectieux.

Depuis 2011, le sang de cordon n’est plus juridiquement qualifié de déchet opératoire. Dès lors, le prélèvement peut être effectué à la condition que la femme, durant sa grossesse, ait donné son consentement par écrit au prélèvement et à l’utilisation de ces cellules, et ce après avoir reçu une information sur les finalités de cette utilisation. Ce consentement est révocable sans forme et à tout moment tant que le prélèvement n’est pas intervenu.

Le prélèvement ne peut être effectué qu’à des fins scientifiques ou thérapeutiques. La loi interdit la conservation du sang de cordon d’un nouveau-né pour une éventuelle utilisation future à son profit sauf en cas de nécessité thérapeutique avérée pour l’enfant, ses frères ou sœurs. Ceci devra être dûment justifié lors du prélèvement.

La greffe de sang de cordon peut être utilisée aujourd’hui pour de multiples indications thérapeutiques. Elle traite de nombreux cancers du sang (leucémies, lymphomes), des formes d’anémie héréditaires et des drépanocytoses, des maladies auto-immunes et quelques maladies rares. Entre 1997 et 2016, plus de 35 000 greffes allogéniques à partir de sang de cordon ont été réalisées dans le monde.

Les cellules souches pluripotentes induites (iPS)

Ces cellules sont obtenues à partir de la reprogrammation de cellules adultes vers un stade indifférencié. A l’image des cellules souches embryonnaires, elles sont donc pluripotentes, ce qui signifie qu’elles peuvent produire n’importe quelle cellule. Une découverte majeure qui a valu le prix Nobel en 2012 à Shinya Yamanaka. Les cellules souches iPS pourraient avoir de nombreuses applications, mais nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements. Les iPS ne peuvent pas encore être considérées comme une alternative fiable aux cellules souches embryonnaires, toujours présentées comme les “gold standard” de pluripotence par la communauté scientifique.

Le recours à ces cellules iPS soulève des questions éthiques parmi lesquelles :

– A propos du consentement du donneur : est-il limité dans le temps ? Autorise-t-il l’utilisation de cellules dotées de son patrimoine génétique sans limite temporelle ?

– Pourrait-on produire des gamètes à partir de ces cellules pluripotentes ?

Rapport des états généraux de la Bioéthique